jeudi 24 novembre 2011

Est-ce que j'ai "un travail"? Peut-être plus qu'un...

Pour créer, pour écrire... Pour créer, il faut travailler. De trois façons à la fois (au moins).

Parmi ces trois formes de travail, celui de l'artisan (réussir l'exécution parfaite) est encore la plus simple.

La plus intense et éprouvante, c'est de vivre et de digérer sa vie puissance mille, de ressentir plus et plus fort, avec les affres fantastiques que cela comporte.

Mais la forme de travail la plus difficile dans la création, c'est celle qui consiste à s'extraire perpétuellement de la mélasse du monde tel que nous l'avons créé, pour tendre, sans jamais y parvenir, à devenir libre.

dimanche 20 novembre 2011

Barthabac napolitain en répétitions

En avant-première, le look de la Conscience travailleuse de Roland Barthes...


Le travail de répétitions est bien avancé maintenant. Et quel bonheur d'écrire sur le plateau après avoir écrit sur le papier! La collection de récits proposée par le texte devient sur scène l'expression d'un monde où des histoires gigognes s'enchâssent pour mixer les plans de réalité et faire vaciller notre perception à tout instant... Entre monde du bar réel, monde du bar imaginaire, monde épique, monde des esprits, et monde des acteurs en représentation, le spectateur est sans cesse mis à contribution pour faire tenir ensemble une réalité remplie de signes mis en déséquilibre : celle où Roland Barthes s'est perdu... à moins que nous ne nous soyons, nous, perdus dans son esprit?

mercredi 9 novembre 2011

Quelle place pour la technologie, l'interactivité, et tout le reste, dans le spectacle contemporain? Quelques réflexions

Dernièrement, j'ai assisté à une série de spectacles convoquant des moyens technologiques importants, qui m'ont profondément interpellée au niveau de ma conception du théâtre. Certains de ces spectacles comprenaient aussi une part plus ou moins grande d'interactivité. J'ai retiré de ces expériences beaucoup de frustrations, que je vais tenter de synthétiser en quelques points.

1. A partir du moment où il y a des acteurs sur scène, la priorité fondamentale devrait rester, par respect pour leur art, pour leur métier, pour leurs compétences, et pour le public, que leur travail tienne debout tout seul. Non pas que d'autres moyens (lumière, projection vidéo, contribution du public, déplacements du public, son) n'aient quelque chose à dire de différent, de complémentaire. Non pas que ces autres moyens soient des accessoires. Au contraire : si ces autres moyens ont quelque chose à dire, il faut absolument que le travail des acteurs soutienne la comparaison. Les différents éléments concourant à la construction de la représentation doivent atteindre un équilibre de qualité, d'intensité, de perfection dans le développement des moyens et du langage qui leur sont propres, afin qu'il puisse y avoir un réel dialogue entre ces différents langages et moyens ; afin qu'un tel dialogue apparaisse soudain comme nécessaire. Or, de façon symptomatique, il m'est apparu récemment que le travail des acteurs se fait bien souvent faible, se cachant derrière une débauche de moyens empruntés à d'autres langages, déléguant ce que l'acteur, avec sa voix et son corps, est capable de dire, et de dire autrement. En tant que spectateur, j'ai alors l'impression d'assister à une démission de l'humain devant la technologie, à un fétichisme adulant des moyens qui ne sont après tout que des outils construits par l'homme pour atteindre des effets voulus par l'homme, outils, donc, maîtrisés autant que l'est (ou que devrait l'être) le travail de l'acteur (ou du danseur, du performeur, de l'acrobate...). L'usage de dispositifs novateurs ne ne doit ni assumer une fonction supérieure ni une fonction subordonnée à ce travail de l'acteur : il s'agit de langages autres, qui ont chacun un propos et une excellence à développer.

2. Mettre en rapport ces langages, contrairement à ce que la débauche de spectacles mixtes actuelle pourrait laisser penser, n'est pas une chose facile. On en a pour preuve toute une série de spectacles qui ne tiennent pas leurs promesses à ce niveau. La difficulté en la matière ramène fondamentalement toujours à un problème d'ECRITURE. Problème largement sous-estimé aujourd'hui si l'on en croit ce qu'on voit dans les salles. Au fond, travailler avec différents langages artistiques, ce serait un peu comme écrire un spectacle en différentes langues, un peu de mandarin, un peu de français, un peu de norvégien, un peu de congolais... sauf que ce serait encore plus compliqué, parce que, outre les variations fines en termes de concepts, de cultures et de visions de la vie qu'on rencontre dans l'opération de traduction linguistique, on se trouve dans le cas du dialogue entre les langages artistiques en présence de différents univers qui n'utilisent pas les mêmes "mots", puisqu'ils ne travaillent pas avec le même médium. L'opération se révèle donc extrêmement délicate, spécialement dans l'analyse nécessaire des valeurs et des intensités à donner aux différents langages que l'on entend coordonner. Le dialogue avec les artistes travaillant avec chacun des médiums convoqués sur un spectacle doit donc, plus que jamais, être profond, bienveillant, disposer de temps, d'ouverture d'esprit, de respect mutuel des expressions. Cet équilibre précaire n'est pas impossible à atteindre ; mais il doit être écrit, pensé rigoureusement.

3. En particulier pour les spectacles interactifs ou reposant sur une expérience du public, il faut vraiment que l'artiste s'interroge sur le degré de respect qu'il témoigne à ce public. Lorsqu'on me fait participer à un spectacle sans que je voie à aucun moment aucun artiste intervenir, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur le fait qu'on me prenne au sérieux ou pas - et si l'écriture du spectacle (c'est-à-dire : l'insertion de la composante interactive dans une véritable construction sensée, qui ne doit pas spécialement être compliquée, mais pour le moins avoir le mérite d'exister), si l'écriture du spectacle, disais-je, n'est pas au rendez-vous, si, donc, l'artiste me prend pour une imbécile... je ne peux que prendre l'artiste pour un imbécile également. C'est la différence d'écriture qui fait que "Diorama" de Martin Chaput et Martial Chazallon est un spectacle qui me respecte, alors que "Le Sacre du Printemps" de Bernat est un spectacle qui me prend pour une imbécile.
Car assister/participer à un spectacle interactif ne doit pas se confondre avec : venir/participer à une activité de club de vacances. Lors de la rencontre avec le public à l'issue de la représentation du "Sacre du Printemps" au Pacifique, un spectateur demande à Bernat pourquoi il travaille avec des publics. Sa seule réponse est une boutade : ce travail est finalement moins stressant que de travailler avec des professionnels, parce qu'on ne sait jamais ce qui va arriver. Le public rit. Bernat se tait. Pas d'autre réponse, vraiment? Alors, pourquoi rencontrer le public? Pour lui dire qu'il est une composante reposante de la vie professionnelle de l'artiste? Pour le remercier d'avoir dépensé de l'argent pour venir agiter les bras en faisant l'arbre? De qui se moque-t-on à la fin?
En comparaison, "Diorama" joue avec les attentes du spectateur. Il lui propose un parcours. Il y a des embranchements dans ce parcours. La rencontre avec les spectateurs permet aussi un réel échange de ce qui s'est passé. Il y a un propos, fort, qu'on peut aimer ou pas, mais on ne se moque pas de moi.

Bref. La question fondamentale n'est pas "comment", mais "quoi". Le "comment" vient après. Et la réponse apportée au "comment" sera certainement meilleure si on sait "quoi".

lundi 7 novembre 2011

La chasse aux bêtises est lancée!


La compagnie Arts Nomades et le collectif Poetry in Motion s'associent sur le dispositif de la Chasse aux bêtises, dont les premières installations auront lieu fin décembre en Belgique! J'assure la dramaturgie du projet.

http://prezi.com/6wzhbk1orxxv/la-chasse-aux-betises/

Le dispositif restitue, dans une maison à explorer, les bêtises d'enfances collectées auprès de la population, et permet aux visiteurs de passer dans un confessionnal à bêtises pour augmenter encore la collecte! Le tout se passe dans les pièces éclatées d'une maison où sont cachés les comédiens, où parlent des voix dans des téléphones, où l'on peut voir des images vidéo défiler sur une vieille télé, ou encore manipuler des objets qui sont partie prenante des bêtises faites ou à faire...

Parler des bêtises, c'est retrouver une commune humanité, celle de l'enfance, de la recherche et de la transgression des limites!

A long terme, nous aimerions étendre la collecte à beaucoup d'autres pays, puisque nous disposons dans le groupe de personnes parlant toute un série de langues (anglais, italien, néerlandais, grec, portugais...)

Rendez-vous très bientôt ... pour faire plein de bêtises!

jeudi 3 novembre 2011

DO BETTER THAN SHAKESPEARE (in capital letters)

ROBERTO ALVIM has a wonderful ENERGY. He shared it with 8 playwrighters participating in the workshop he was invited for by Cifas in the last weeks and for this I want to THANK HIM. Because SHARING this ENERGY is probably BEYOND all the things he SAID during these two weeks. This ENERGY is the LIVING FACE of all the speeches he gave.

The fact is : we lack so much ENERGY and WILL to just LIVE and DO and EXPERIMENT LIFE. This is why we find ourselves unhappy in CULTURE and not experiencing in ART. I knew it before. We all know it. But voices remembering it with real FAITH are RARE. Sometimes the NEED to MAKE THIS HEARD needs CAPITAL LETTERS or WALKING UP A CHAIR to SAY IT.

The fact is : we all want to drink from fresh fountains of freedom but surrounded by plastic bottles we end up drinking out of these and forget about the fountain. In the end plastic bottles are not that bad in the end that is the way things go in the end I just want to drink.

NO! Keep walking!

Keep walking. Believe you can do better than Shakespeare. Celebrate. Experiment. Construct. It is not about the story the characters your thoughts what you might have to say about your experience about what you think of the world - we have too many of this already don’t worry we will have it forever but we need something ELSE. All these provocative propositions have shaken all the participant playwrighters deep down. And this was good. Why wouldn’t I want to do better than Shakespeare? Why would I think it is impossible? Why would I think it is unnecessary? Thank you for being demanding, for demanding more of us. Because this is what art is about. Emulation. Reciprocal gifts. Celebration of everything in this universe and beyond.

Another thank you for not giving cake recipes. For not nourishing the BIG LIE that there is a method for everything and especially not ART. For making me laugh inside thinking about screenplay writing methods. SINGULARITIES : that is what Roberto encouraged us to deepen and work with. I am not sharing all his aesthetics - this is even better.

In my personal case, Roberto just OPENED WIDE the door I was staring at, frightened to do something weird or that would not be received or understood. I knew very well what was behind the door. Now I got there. And I feel the BEAUTIFUL FREEDOM IN WRITING. It almost seems a SIN to feel so FREE. (Ahh. Christianism.)

For several months now, I have been deepening my self-consciousness as a poet. Working with words. Working. With. Words. Words can do everything. I knew it. I am even more sure now. Let us kill the communicational poor shrinked sick tortured dying word and touch language as gold with which new worlds are to be created.

Poetry is magic : it creates new worlds. How great. Who would want to do anything else?

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Photo Charlotte David

PS - There is a lot to say too about the fantastic meeting with the actors and Juliana Galdino after the work on writing, but this deserves another post!