mercredi 17 février 2010

"Sumô", un film qui rend léger!


Ca vaut la peine de voir "Sumô", ce film qui parle d'Israéliens obèses trouvant dans la pratique d'un sport japonais le moyen d'être acceptés et admirés tels qu'ils sont. C'est souvent drôle, c'est fin ; le scénario, sacrifiant aux grandes étapes du genre, reste intelligent, prenant, jamais trop attendu. Les personnages bien interprétés, très humains, gagnent notre sympathie, mais celle-ci n'émane pas d'un quelconque pathos. Une mention spéciale aussi pour l'extraordinairement désagréable animatrice (filiforme) du club de régime, qui torture ses ouailles mais, finalement, nous fait rire tant elle est bête. On sort de la salle avec le sourire et la bande son en tête ; on a passé un bon moment. Et on n'aura plus jamais le regard fuyant devant un obèse, parce qu'on a eu l'occasion de les regarder honnêtement en long, en large et en travers, comme peut-être on n'avait jamais osé le faire avant.

mardi 9 février 2010

Voir "Alexandre le bienheureux" en 2010!

Grâce à la biennale Cinéduc, j'ai découvert ce soir le fameux film d'Yves Robert, "Alexandre le bienheureux" (1967). C'est pour rappel la destinée d'un homme bon, amoureux de la vie et de la nature, poursuivi par sa femme qui le voudrait consacré corps et âme au travaux de la terre. Lorsqu'il se retrouve veuf, il ne nourrit plus qu'une idée : dormir. Un jour, deux jours, deux mois - cela gêne vite le sens moral des autres villageois, qui ne supportent guère cette oisiveté. Tout est mis en oeuvre pour faire se lever Alexandre, qui semble en réalité susciter l'envie plus que le courroux... Le personnage génial du chien - qui amène à Alexandre ses courses dans un panier, qui parle et comprend tout, qui pêche même - permet de pousser à bout l'hypothèse d'une vie presque sans travail, où l'on prend le temps de prendre son temps, le temps de faire, de savourer. En 2010, un tel discours n'est nullement tombé en obsolescence ; quelle est la qualité de nos vies supersoniques et laborieuses? Qu'y gagnerons-nous? Ce que je sais c'est qu'en sortant de la séance j'avais ri, respiré, et rêvé ma vie un peu autrement.

lundi 8 février 2010

"Up in the air" : what else pour mon dimanche?

Un excellent moment au cinéma, avec l'excellent George Clooney évidemment, mais aussi avec un excellent scénario. J'ai entendu dire, notamment dans Grellywood, que le réalisateur Jason Reitman n'avait pas le courage de son sujet, et qu'il abandonnait en cours de route un film dénonçant les méfaits du néolibéralisme. En fait, il me semble que l'histoire ne porte pas tant, ou du moins pas directement, sur le métier de Bryan Bingham, employé à licencier les salariés des autres à la chaîne, que sur les conditions d'exercice de ce métier. C'est bien le titre du film : dans les airs. Quelle genre de vie peut-on mener sans attaches? Le personnage de Bingham permet d'explorer totalement cette hypothèse. Loin de manquer le sujet des méfaits du néolibéralisme, Reitman le traite en le retournant. La victime du système, au fond, ce n'est pas seulement le salarié licencié sous toutes ses formes, rendu présent pas une galerie de portraits saisissante ; c'est aussi l'homme d'affaires suspendu entre deux avions, comme Bingham qui hors de son travail "n'existe pas" ou "est une parenthèse" (ce que lui signifient les autres personnages). C'est peut-être précisément la force de ce film que son point de vue inhabituel sur le travail, pris par le bout des élites de la globalisation, et qui ne les démonise pas (pour une fois!), mais de façon beaucoup plus originale, montre clairement le type de sujétion à laquelle elles sont soumises. Ne connaissons-nous pas tous des personnes dont les responsabilités, liées à de perpétuels voyages, les empêchent de vivre pleinement certains éléments de la vie "sédentaire"? La griserie des hôtels de luxe, de la légèreté, de l'ubiquité, des non-lieux aseptisés, est progressivement détricotée selon une progression régulière et pourtant jamais surjouée. "Up in the air" est une comédie relativement surprenante, par son sujet, par sa résolution ; le rire est surtout ironique, toujours élégant, un peu triste parfois. A voir sans hésiter!

Natacha de Pontcharra : un théâtre à la recherche de la fluidité

L’auteure dramatique Natacha de Pontcharra sera mercredi prochain à la Librairie Decitre de Grenoble, pour présenter son nouveau recueil comprenant les pièces L'Angélie et L'enfant d'août, dont elle fera la lecture. En mai 2004, je l’avais interviewée à l’occasion du festival New Drama Action de Vilnius, où la pièce Les Ratés était présentée. Cette interview a été traduite et publiée en lituanien, mais jamais en français. La voici…

-Les utopies sont le thème du festival de Vilnius cette année. Retrouve-t-on ce thème dans vos pièces ?

-L’utopie, c’est après la sortie du Jardin d’Eden… Ce qu’on cherche après l’avoir perdu... Dans mes pièces, on retrouve l’utopie dans le rapport à l’enfance, à un monde par où on a passé, et où l’on repasse, mais chaque fois avec un regard différent, une manière différente. Dans Les Ratés, il y a des personnages qui sont restés primitifs à ce point de vue.


-N’y a-t-il pas dans cette pièce une utopie dans le fait de vouloir s’identifier aux autres, devenir comme eux ? C’est l’obsession des personnages...
-Oui, et en plus il y a eu rejet, donc ils essaient de s’intégrer. Mais je vois dans le mot utopie un sens plus positif. Plutôt l’idée de retour à quelque chose d’enfantin. Les personnages des Ratés sont des innocents.

-D’autres personnages de vos pièces ont-ils ces caractéristiques ?
-Oui, par exemple dans Mickey La Torche, Mickey a du mal à communiquer avec les autres. Il est dans une sorte d’enfermement. Il a envie de travailler mais n’y arrive pas ; il veut communiquer, mais il finit par surveiller sa voisine au lieu de communiquer avec elle...

-Vous vous intéressez beaucoup au monde du travail dans vos pièces. Pourquoi ?
-Parce que le travail est devenu un moyen de s’intégrer, qu’on soit homme ou femme, jeune ou vieux... Pour la femme, il y a quelques décennies, faire des enfants était un autre moyen de s’intégrer. Mais aujourd’hui, on est tous sur la même ligne. Il n’y a plus de nantis non plus, des gens qui ne seraient pas confrontés à cela. Tout le monde rencontre cette question à un moment ou un autre. Et puis on est très vite exclu.

-Quelles sont les autres thématiques importantes pour vous ?
-La relation à l’autre. La famille... La difficulté de communiquer les uns avec les autres. Avoir des communications réussies, épanouies. Les personnes ont des difficultés à communiquer.

-Alors ce serait peut-être ça, l’utopie, retrouver cette communication épanouie ?
-Oui, que cela débouche sur une paix, sur quelque chose de fluide... Arriver à se faire comprendre, ce qui irait à l’encontre des conflits, qui ont souvent pour source des malentendus.

-Vos personnages sont fort heurtés... Ils ont du mal à atteindre la plénitude...
-Ils ont du mal à s’exprimer, tout simplement. Il y a aussi tout l’aspect des jeux de langage, des mots à double sens ; entre eux, ils arrivent à s’exprimer, à s’expliquer, mais sinon, il y a une confusion et une profusion de sens.

-Pensez-vous qu’il faille des utopies pour rendre le monde vivable ?
-Oui, mais dans le sens positif du mot utopie. Tout à l’heure, Tom Cruise au Festival de Cannes disait qu’il y a vingt ans, traiter quelqu’un d’utopiste c’était lui trouver une qualité, mais qu’aujourd’hui c’était devenu un défaut. Je pense que c’est assez juste. C’est devenu un défaut d’être utopiste, parce que ce n’est pas productif.

-Vous vous érigez contre la société de la productivité ?
-Oui. On nous crée des désirs qui ne sont pas les nôtres, on les impose, on les multiplie... Ce ne serait pas mal de revenir à une vie plus simple, qui ne soit pas basée sur une consommation à outrance – où je marche aussi moi-même, c’est vrai – qui est une course vers la catastrophe. Certains y sont déjà, et pour nous, cela arrive...

-Par rapport à votre parcours – vous avez été peintre, graphiste, nouvelliste – pourquoi finalement en êtes-vous venue au théâtre ?
-J’étais un peu dans ce même univers, qui consiste à parler du monde avec un autre monde, à obtenir un temps de repos pour regarder ce qui se passe... Ecrire et peindre contre la rapidité du monde. Et puis, c’est la rencontre avec Lotfi Atchour qui m’a lancée. J’ai trouvé que c’était quelque chose d’assez d’idéal : travailler à la fois avec des gens et seul, en même temps.

-Quels sont vos projets actuels ?

-Je suis en train de finir une pièce pour les jeunes, Je ne m’appelle pas Shéhérazade. Elle a été montée en atelier à Toulouse et elle va être publiée. L’idée était de se mettre à l’écoute d’adolescents d’aujourd’hui, entre 17 et 19 ans. C’est une pièce pour dix comédiens environ. Le point de départ est onirique : la rencontre entre un garçon et une fille autour d’un manuscrit. La fille écrit, mais elle n’écrit que des premières pages ; lui, voudrait écouter l’histoire. Et pendant que ça se passe, d’autres personnages viennent parler, par devant. C’est une vision kaléidoscopique de ce que pourrait écrire une adolescente.

dimanche 7 février 2010

Tom Frager & Gwayav' en concert : des vibrations extra

Loin d'être déçue, je suis sortie enchantée du concert de Tom Frager ce soir à Meylan. Sur scène, les morceaux trouvent toute leur dimension ; le live restitue, aux compos mis en boîte sur l'album, leur profondeur musicale. Les musiciens de Gwayav sont vraiment excellents techniquement, mais aussi généreux, ce qui ne gâte rien. Une réelle identité musicale se dégage de l'ensemble, ni reggae facile ni pop sucrée. J'attends la suite avec impatience, pour avoir envie encore de danser, comme ça, séduite par les rythmes. 

Seul "hic" : si les tubes "Lady Melody" et "Give Me That Love" ont permis d'accroître la notoriété du chanteur, ils occultent malheureusement la richesse de son univers. Pour l'instant, malheureusement, ce sont pour la majorité des pré-ados séduit(e)s par ces chansons légères, et par la belle gueule de Tom, qui achètent les billets de concert. Il faut espérer que les parents, traînés là de force, auront ce soir découvert, surpris, des musiques métissées, généreuses, mélodiques et sereines, profondes comme une belle respiration.

Ecoutez l'album, ne vous contentez pas des hits!

jeudi 4 février 2010

Un avis sur "Avatar"

[Attention, des éléments de l'intrigue sont révélés dans les lignes qui suivent!]

"Avatar" est un produit très réussi. Tenir en haleine le spectateur deux heures et demie durant n'est pas le moindre de ses mérites. Le scénario fonctionne bien, l'élément écolo y est niché de façon honorable entre la guerre et l'amour, et surtout la fable finit bien pour les opprimés, cas plutôt rare par les cyniques temps qui courent. Cela dit, la nouvelle histoire de James Cameron n'est pas de celles qui laissent sans voix.

Ce qu'il faut vraiment relever est plutôt dans l'image même, au niveau des effets visuels, des couleurs et de la 3D (pour qui a opté pour la séance, un peu chère, avec lunettes noires). On oublie totalement qu'on visionne, bien souvent, une espèce de "dessin animé" ; on se laisse séduire et divertir par un éblouissant tourbillon de teintes et de lumière. On assiste, en quelque sorte, à une fabuleuse démonstration technique.

Si ce film nous fait entrevoir le cinéma de demain, on peut s'en réjouir pour nos yeux. Mais il faut tout de même espérer que les histoires n'en souffriront pas outre mesure.