lundi 23 novembre 2009

"Up" / "Là haut" : Pixar se surpasse


Si Pixar déçoit rarement, Up there est carrément bluffant. Ce long métrage d'animation parvient à générer un torrent d'émotions chez le spectateur sans pour autant jamais verser dans la mièvrerie ; l'inverse absolu des productions Disney classiques.

On touche à des expériences finalement très adultes. Le deuil, la séparation. Les aventures qu'on rêve mais qu'on ne vivra jamais, et celles qui se présentent à nous sans qu'on ait rien demandé. La tentation de rester attaché à ses meubles, le poids qu'ils prennent et finalement le jour où l'on vire tout, sans pour autant trahir.

Mention spéciale à la séquence de début de film, extrêmement forte, si condensée, qui nous résume une heureuse vie de couple sans histoire : on en prend plein la tronche. Est-ce par l'épure, la simplicité, le rien d'important palpable dans cette évocation de la densité de l'amour simple, de la tendresse, de la complicité...? En tout cas, c'est réussi.

On aime aussi la représentation positive de la vieillesse. Les rencontres qu'on peut faire sur le tard. Les portes qui s'ouvrent petit à petit dans le coeur à nouveau... et la fidélité à soi-même, dont les morts seuls parfois peuvent nous délivrer, s'ils nous aiment.

A voir, sans hésitation ; une vraiment très, très belle histoire.

dimanche 22 novembre 2009

Il était une fois… la ville où la focaccia détrôna le hamburger

Rencontre avec Alessandro Contessa
après la projection de "Focaccia Blues" (2009)
Cinéma Le Club - Rencontres du cinéma italien de Grenoble (www.dolcecinema.com)

C’est à Altamura, dans les Pouilles, que la célèbre enseigne MacDonalds doit fermer ses portes peu après son implantation, victime du succès des produits locaux. Focaccia blues relate ces faits sous forme de fable cinématographique, ou quand David vainc Goliath avec pour seules armes la qualité et la simplicité ! Alessandro Contessa, producteur du film, a répondu aux questions des spectateurs du festival après la projection.

- Focaccia blues est un film entre local et global… Comment avez-vous envisagé la question de la mondialisation ?
- Le concept de "glocal", du philosophe polonais Zygmunt Bauman (Le présent liquide), nous a aidés à ne pas imaginer un film "no global" (le terme italien pour désigner les antimondialistes). Nous ne voulions pas faire un film "contre" quelque chose, mais bien un film qui défende quelque chose. Pour faire le contraire de ce que font les fastfoods comme MacDonalds, qui imposent les mêmes produits dans le monde entier. Je suis content d’être à Grenoble, parce que la France enseigne à un pays comme le mien l’attachement à une identité propre. C’est pour cela que le film commence avec un petit hommage à Astérix : la phrase sur le "village qui résiste à l’envahisseur"… (rires) Cependant, en exaltant l’identité et les produits d’un lieu, il ne faut pas oublier la dimension de l’échange. La défense de l’identité est importante, mais il ne faut pas tomber dans le fanatisme. Alors dans le film, on a choisi de se moquer de cette attitude. Les personnages incarnés par Arbore et Banfi sont très chauvins : l’un est de Bari, l’autre de Foggia, et chacun défend sa Province pour dire que les fruits y sont meilleurs !

- L’entreprise MacDonalds a-t-elle eu connaissance du film ? Quelle a été sa réaction ?
- MacDonalds a certainement appris l’existence de Focaccia blues, parce qu’on en a beaucoup parlé, en Italie comme à l’étranger. Mais nous avons fait ce film avec honnêteté et loyauté. On a tenu à faire voir de MacDonalds aussi des choses positives. On montre les images américaines du premier MacDo, et on y superpose la lecture d’une lettre d’archives où un client demande à la firme de ne pas détruire ce fastfood historique. On donne aussi la parole à une famille qui exprime sa déception face à la fermeture du MacDonalds d’Altamura. En fait, pour nous, c’est au public de décider quelle est la bonne voie… Mais donc, j’imagine qu’il n’y avait pour MacDonalds aucune raison d’attaquer le film. S’ils l’avaient fait, cela aurait probablement été un boomerang qui leur serait revenu.

- Une histoire d’amour traverse le film, comment faut-il l’interpréter ?
- C’est une sorte de conte. L’épicier Dante, très attentif à la qualité de ses produits, est en concurrence pour une femme avec l’homme à la voiture jaune, qui incarne plutôt la globalisation dans ce qu’elle a de mauvais. Cette histoire fonctionne donc comme une métaphore de la lutte entre le marchand de focacce et le MacDonalds. Mais elle va aussi au-delà ; c’est une façon de montrer que, quand on mise sur la qualité, on gagne sur tous les plans : pas seulement dans l’alimentation, mais aussi dans les rapports humains.

- On trouve une belle brochette de personnalités pouillaises dans Focaccia blues ! Comment les avez-vous rassemblées pour ce film ?
- Nous avons impliqué toutes les personnes en leur expliquant combien ce film était nécessaire. Il fallait raconter cette histoire, non seulement pour l’Italie, mais pour le monde entier. Ainsi, Michele Placido, Lino Banfi, Renzo Arbore et Nichi Vendola, qui sont des acteurs, des musiciens, des auteurs extrêmement connus, ont accepté de participer gratuitement au film (le reste de l’équipe étant payé). Mais on ne les a pas invités parce qu’on voulait profiter de leur notoriété. Leur présence s’intégrait plutôt dans l’idée qu’on peut réussir et obtenir des résultats grâce à la qualité de son travail – une qualité qu’ils incarnent. En fait, leur participation a même augmenté notre responsabilité dans la préparation d’un "bon produit".

- Comment s’est passé le tournage avec les habitants d’Altamura, qui sont bien représentés dans la partie documentaire du film ?
- Ils nous racontaient parfois leur vie entière, on a dû les arrêter ! (rires) Il y a eu un gros travail de montage. Mais ils étaient très contents : certains n’ont pas forcément compris le projet, mais ils étaient simplement contents de raconter leur histoire. En tout cas, il fallait vraiment les impliquer, parce que nous ne voulions pas donner la parole à des experts, comme cela se fait souvent à la télévision. Nous voulions que l’histoire soit racontée par ceux qui l’avaient vécue réellement.

- Pourquoi des films comme Focaccia blues ne sortent-ils pas en France ?
- S’il existait une possibilité de distribution en salle, on ferait une pellicule pour la France sans aucun problème. Je crois qu’il faut ouvrir de nouvelles voies pour le cinéma européen ; il est absurde que deux pays voisins comme la France et l’Italie n’échangent pas leurs films. Mais je suis optimiste, je ne pense pas que ce soit si difficile. Il suffit d’être bien reliés, et de partir de la nouvelle génération. J’ai vu ici un grand enthousiasme, et de la part de personnes jeunes. En Italie, un mouvement de ce type ne viendra malheureusement jamais de ceux qui gouvernent le cinéma actuellement. En raison notamment de leur âge, ça ne les intéresse pas d’ouvrir de nouvelles voies. En Italie, on s’entend souvent dire "Tu es jeune, un jour tu comprendras." Personnellement, je n’accepte pas ce discours : je pense au contraire que c’est quand on est jeune qu’il faut donner toute son énergie. Quand on est vieux, il faut penser à autre chose… par exemple à s’amuser !