lundi 12 novembre 2001

"Naïm Khader, prophète foudroyé du peuple palestinien"

[note de lecture publié dans la Revue de l'Institut Saint-Boniface-Parnasse]

Robert Verdussen, journaliste, publie au Cri la biographie de Naïm Khader. Une vie qui commence à Zababdeh et se termine trop tôt à Bruxelles, sous les balles d’un attentat non élucidé, en 1981. Mais surtout, une vie pleine, riche, consacrée de bout en bout à la cause palestinienne.


Pour l’évocation du parcours de celui qu’il nomme tout simplement Naïm, Robert Verdussen réussit à allier deux genres, deux forces, et ce de la manière la plus aisée, la plus authentique qui soit. Il ne nous conte pas seulement la vie « historique » de Naïm et l’admiration qu’il a pu concevoir pour ses actions ; il retrace aussi, avec le souci d’un détail sans pesanteur, les racines et l’histoire du problème israélo-arabe. Au fil des pages s’entremêlent les deux aspects, sans que l’un cherche à l’emporter sur l’autre. Peut-être parce que la vie de Naïm Khader fut indissociablement liée à la cause qu’il défendait.

Verdussen parvient à faire naître chez le lecteur un sentiment d’admiration pour cette personnalité tout en actes de parole, pacifiste convaincu, dialogueur respectueux et humain, d’un calme doux mais ferme. Le livre retrace son enfance en Palestine, sa formation francophone et catholique, les hasards qui le conduisent à s’installer en Belgique, puis son engagement pour la cause palestinienne, les dangers qui en résulteront, mais aussi toutes les rencontres nouées, toutes les portes qu’il a su ouvrir. Un mystère semble auréoler la capacité de dialogue de cet homme, et c’est là le charme de cette biographie que de nous faire partager la force d’une vie si puissante, si pleine, mais si ronde, si aimable.

En suivant les étapes de la vie de Naïm Khader, l’auteur retrace aussi les étapes du problème de cette terre tant convoitée, et il le fait d’une manière accessible à tous. Sans le sacrifier à la précision, Verdussen sait esquisser lignes de force et dynamiques essentielles : on est loin de surfer sur la vague de la superficialité, mais l’on ne nage pas non plus dans les détails. Et l’on apprend beaucoup en ancrant ainsi, à la figure d’un homme, l’histoire d’un conflit. On se souvient du travail de titan qu’il a fallu pour gagner quelque soutien à la cause palestinienne. On revit l’hostilité dont l’OLP et les Palestiniens en général furent victimes pendant si longtemps. On s’interroge avec Naïm sur la portée, sur l’utilité, sur le caractère condamnable des attentats perpétrés au nom de la liberté du peuple palestinien. On démêle les fils, on lit la toile claire que Verdussen tisse de ses mots, et à comprendre si bien les choses, on se dit que l’auteur a pu puiser, dans son admiration pour l’homme qu’il décrit, des qualités de clarté et d’amabilité qui font la force de son livre.

Lecture impérative pour tous ces dialogueurs que nous souhaiterions être.