mardi 26 juillet 2011

Pina

En voyant l'art de Pina Bausch tel que le représente Wim Wenders dans son film, on pense un certain nombre de choses importantes. Spécialement quand, comme moi, on veut faire du théâtre en s'interrogeant sur la frontière à vivre avec d'autres arts qui ne font pas appel aux mots mais bien au corps et aux images.

Chose importante #1 : La danse est un phénomène puissant, qui scotche comme un coup de poing au coeur, se passant d'explications, et de mots. Cela donne envie, dans une série de situations créatives, d'oser se passer de mots. Et, par ricochet, dans le domaine du langage, de réhabiliter la parole poétique à la première place : parole tissée d'images. Pour gagner cette force. S'éloigner du langage galvaudé.

Chose importante #2 : On ne peut pas tricher avec la danse ; en revanche nombreux sont les acteurs qui trichent. Le théâtre vrai passe certainement, avant tout, par un corps vrai (et une voix vraie). Si c'est un fait reconnu, force est de constater que les conséquences n'en sont pas toujours tirées.

Chose importante (et rassurante) #3 : Oui, on peut être lyrique en parlant d'amour et de souffrance, sans être pathétique pour autant. Mais il faut travailler, travailler, travailler à s'éloigner des poncifs. C'est-à-dire : se rendre libre.

Chose importante #4 : Ne pas se priver du plaisir de travailler avec les Elements.

Ainsi, les créations merveilleuses de Pina Bausch laissent, grâce au film de Wenders, un exemple de travail, de cohérence artistique, et de niveau d'expression corporelle bluffants. Ca fait du bien de respirer la vie comme ça ; ça donne juste envie de bosser pour en faire autant. Il y a du boulot. Tant mieux.

Quant au film en soi, Wim Wenders convainc encore une fois dans l'exercice difficile de filmer un autre art. On pourra certes trouver la forme déroutante, austère. On voit surtout de la danse. De la danse. Et encore de la danse. Les notations sur le travail de la chorégraphe allemande sont rarissimies, limitées aux souvenirs de quelques phrases reçues au cours du travail par les danseurs. Si l'on n'est pas touché par l'univers de Pina (cela doit pouvoir arriver), la présentation ne convainc sans doute pas. Pourtant, la beauté du film-hommage tient sans doute pour une bonne part à sa forme sans concession, exigeante, qui donne à voir de façon généreuse un objet qui se suffit à lui-même. Pour une fois au cinéma, pas de didactisme pédant, mais des émotions à l'état brut, transmises par des plans superbes et des mouvements de caméra sobres. Le fait que tout cela tienne debout sans explications donne la mesure de la force du travail de Pina Bausch, et de celui de Wim Wenders. A voir, évidemment.



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