vendredi 5 novembre 2004

Jeux d'enfants

Yasser Arafat est cliniquement mort. Je viens de l’apprendre il y a quelques minutes. Déjà l’annonce de la dégradation de son état de santé m’avait affectée ; maintenant, c’est une sorte de tristesse qui m’envahit, un vide lourd, un peu douloureux.

Ce n’est pas que je connaisse tant sa personne et son action ; ce n’est pas que j’aie approuvé tout ce qu’il a fait ; ce n’est pas forcément politique. C’est plutôt que, selon mon souvenir, il a été le premier homme politique identifiable de mon enfance (on peut certainement imputer ce fait au couvre-chef du vieux raïs, exotique et séduisant aux yeux d’un gosse).

Le premier homme politique qui peupla mon imaginaire politique d’enfant.
Avec aussi Khadafi, sous le nom duquel je faisais la guérilla dans la cuisine de ma tante (mais lui, c’était surtout son nom que j’aimais : je ne voyais pas du tout qui c’était) (évidemment).
Et plus tard, Mitterand, Rocard, Krazuki : autant dire la grenouille, le corbeau et le crabe de Stéphane Collaro – mais je les connaissais mieux que la classe politique belge.

Je ne l’ai pas renié. Peu à peu le drôle de chapeau, le colonel, le crabe, le corbeau et la grenouille ont pris leur place sur l’échiquier politique. J’ai désigné les bons et les mauvais, mes amis, mes ennemis. Mais Arafat, je ne l’ai pas renié. Je me demande si ma sympathie enfantine n’y a pas été pour quelque chose.

Premier homme politique de ma vie, donc ; et surtout, homme éternel. Il était toujours là, il était, comment dire, indéracinable ; invisible à force d’être présent. On se disait bien parfois : il vieillit ; comment feront-ils après lui ? Mais cela ne semblait pas devoir arriver.

Ainsi double est ma peine. C’est l’inquiétude pour la situation au Proche-Orient, l’inquiétude de la crise et de la déstabilisation, moments de danger. C’est aussi la fin des jeux de rôle où les torchons de maman étaient rois ; un morceau d’enfance qui s’en va pour toujours.

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